Rendez-vous à Orly à l'aube; mon voisin Jacques me dépose à l'aéroport. Je fais la connaissance de mes compagnons de route.
Nous allons prendre le dernier expresso avant le départ, celui des péruviens n'étant pas de nature à réveiller les momies.
N'écoutant que son esprit cabot d'homme de théâtre, François attaque sans attendre les trois coups et nous honore d'un numéro d'équilibriste. Les croissants se retrouvent sous la table et la tasse roule jusqu'au comptoir. Le décor est posé.
Première escale à Madrid. Les méandres de l'aéroport nous laisseront un souvenir impérissable. Colette en profite pour se perdre. A voir la mine déconfite de Daniel, on aurait pu penser qu'elle avait le chéquier sur elle. Nous la récupérons au bout d'une heure de recherches et nous embarquons. L'aventure est commencée !
Après les formalités d'usage à l'arrivée à Lima où ma valise est fouillée de fond en comble, nous regagnons le centre ville en minibus.
Nous découvrons l'un des visages du Pérou, sans doute pas le plus attrayant.
Les plages paraîssent terriblement polluées. Une épaisse écume blanchâtre accompagne les vagues qui viennent lécher une rive de galets parsemée de déchets divers.
Les abords de Lima sont à l'image de ses plages.
La ville semble s'étendre à l'infini, comme ces constructions qui hérissent vers le ciel leurs tiges d'acier à béton, dans l'attente d'un hypothétique futur étage. La pauvreté, la misère, sont omniprésentes. Tout ce monde s'active, grouille, vocifère, dans une ambiance qui ne parait cependant pas morose, presque sereine.
On ressent assez vite ce fossé qui existe entre une population qui vit dans des habitations rudimentaires et les plus fortunés, dont les maisons sont protégées de hauts murs renforcés de tessons de bouteilles, de barbelés et même de clôtures électrifiées.
A chaque coin de rue, devant chaque édifice public, les entrées de magasins, les églises, la police et l'armée sont présentes, pistolet et balles à la ceinture, bien en évidence.
Plaza de Armas, où se dresse le palais présidentiel, une auto mitrailleuse veille.
Je montre mon appareil photo à l'un des gardes qui accepte de poser avec le sourire.
Il suffit de peu pour détendre l'atmosphère et ressentir les choses sous un angle plus serein.
Je suis arrivé ici, il faut le dire, avec encore fraîchement à l'esprit les recommandations recueillies sur le site du ministère des affaires étrangères français.
Un discours de nature à dissuader les plus téméraires, où il est question d'insécurité permanente, d'agressions fréquentes, de bandits de grands chemins qui détroussent les cars de touristes, d'enlèvements avec demande de rançon, d'individus qui n'hésitent pas à faire usage de leurs armes, de l'action du Sentier Lumineux encore très actif dans certaines zones.
Si les risques sont réels, il faut savoir relativiser.
Va te balader dans certains coins de France avec deux appareils photo sur le ventre, tu ne te sentiras pas plus en sécurité qu'ici.
La première aide que pourrait apporter le gouvernement français à ce pays qui en a fort besoin serait de pratiquer un discours plus ouvert au tourisme, sans pour cela négliger les précautions d'usage et d'actualiser ses textes.
Ma sensation n'a pas été la crainte, mais une sorte d'impudeur à exhiber un matériel qui représente de longues années de travail pour un péruvien moyen. De quoi logiquement déclencher tentations et convoitises. Malgré cela, à aucun moment je ne me suis senti menacé.
Cette journée s'achève par un dîner à une terrasse proche de la Plaza de Armas. Nous attaquons par une bière fraîche. Il fait soif ! Cet hiver péruvien ressemble fort à notre été. François pense avec nostalgie aux sandwiches que la compagnie nous a servis pendant le vol…
Le hall de notre hôtel ressemble à un musée avec ses statues kitch d'inspiration grecque.
Assis au pied de l'une d'elles, un « restaurateur d'œuvres d'art » finit d'avaler le sobre contenu d'une gamelle, avant de reprendre son travail d'artiste : une attelle au bras d'Hermès pour réparer l'outrage du temps, une ficelle autour de la taille d'Artémis pour lui éviter le saut de la mezzanine du premier étage.
Près de l'accueil, au pied de l'escalier menant à nos chambres, une vitrine posée au sol où trônent quelques crânes de momies recouverts de lambeaux de tissu. Une araignée de bonne taille semble y rechercher un reste de repas.