C'est l'hiver en ce mois de mai péruvien.
Le jour, le soleil est proche de notre température estivale, mais les nuits sont plutôt fraîches.
Je saute du lit à six heures.
Ma salle de bains est située sur le palier. En général, la fraîcheur matinale ne m'impressionne pas, mais la douche glacée qui m'attend est plutôt une surprise. Pas d'eau chaude, il va falloir s'y habituer. Je m'y jette quand même !
Prendre une douche glacée à six heures du matin, à l'extérieur, par une température proche des cinq ou six degrés relève soit de la folie, soit d'un besoin impérieux de se sentir propre. A ce moment précis, je me suis dit qu'au fond, pour être envahi de poussière deux heures plus tard, c'est un peu trop héroïque pour être normal.
J'en ai donc conclu que ce brusque changement d'ambiance depuis mon arrivée m'avait mis les méninges en goguette.
Un café bien chaud après ça est forcément le bienvenu, même s'il n'a pas le parfum corsé d'un petit expresso au comptoir.
Mais il est encore un peu tôt. Alors, en attendant le petit déjeuner, je décide d'aller flâner dans les rues.
A cinquante mètres, une première rue bondée de monde. Un marché coloré et foisonnant. Je m'y engouffre.
A cette heure, il n'y a évidemment pas l'ombre d'un touriste.
Ca se bouscule dans tous les sens, c'est le moment de la mise en place.
Tout s'y côtoie : des étals de piments et de poivrons multicolores, des vieux pneus, des têtes de moutons, des tissus d'alpaga, des plats chauds, de l'outillage déjà bien usagé.
Je dois me frayer un passage presque en force, l'appareil photo à l'épaule.
Je m'aperçois rapidement que je suis la cible de tous les regards, et j'ai l'impression que les prises de vues ne seraient pas vraiment opportunes.
Certains lorgnent même avec envie sur ma boîte à images.
Après 200 mètres, je décide prudemment de faire demi tour.
Je pousse à pied jusqu'à la Plaza de Armas.
Une certaine effervescence y règne, mais il ne s'agit pas d'un marché cette fois.
C'est une procession religieuse qui fait lentement le tour de la place, avant de prendre une rue latérale. De jeunes garçons portent sur l'épaule un plateau surmonté d'une lourde statue de la vierge à l'enfant.
Après quelques photos, je regagne la maison du docteur Pepe. Un café bien fumant m'attend.
La journée sera consacrée à la visite de la ville, dont le temple du soleil, Korikancha.
Le soir, Vidal nous invite à prendre un verre dans son club privé et nous parle de Cusco.
J'ai retenu de son exposé l'une des deux légendes qui racontent l'histoire de la création de la ville :
Un couple sortit un jour du lac Titicaca. L'homme portait à la main un bâton en or.
Sur leur chemin, il lançait le bâton qui retombait toujours à plat.
Jusqu'au moment où le bâton se planta dans le sol.
C'est à cet endroit qu'il décida de créer Ccoscco, la future Cuzco.